"On aurait pu éviter ces féminicides" : deux députées reviennent sur le Grenelle des violences conjugales

Quel bilan, et surtout quel avenir pour ce Grenelle dédiées aux violences conjugales. Sophie Auconie (UDI) et Fabienne Colboc (LREM), députées d'Indre-et-Loire, reviennent sur les annonces faites par le gouvernement le 3 septembre.

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Samedi 21 août, le corps défiguré de Salomé, 21 ans est retrouvé à Cagnes-sur-mer. Elle a été battue à mort par son compagnon. Salomé, c'est le 100ème féminicide de l'année. Ce chiffre a la force des palliers, il est repris dans toute la presse. Le 3 septembre, le gouvernement ouvre son Grenelle des violences conjugales. 

"Entre le moment où il a été décidé et le moment où il s'est tenu, il y a eu plus de 20 mortes. Peut-être que si le président était allé écouter les appels au numéro d'urgence avant, peut-être que si le 1er ministre avait regardé les propositions des associations avant, on aurait pu éviter ces féminicides" s'émeut Sophie Auconie. La députée UDI d'Indre-et-Loire travaille depuis plusieurs années sur les violences faites aux femmes. Ce Grenelle lui laisse un goût amer. 

Dans la soirée du 3 septembre, le Premier ministre Edouard Philippe annonçait une première série de mesures : 
 

  • La création de 1000 nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence 
  • La généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital
  • La généralisation du bracelet électronique anti-rapprochement
  • Un audit sur l'accueil dans les commissariats 
  • La restriction ou la suspension de l'autorité parentale du conjoint violent 
  • La nomination de procureurs référents spécialisés dans 172 tribunaux


Déjà énoncées, jamais écoutées


L'amertume de la députée d'opposition se résume à une question : pourquoi pas avant ? En février 2018, Sophie Auconie rendait un rapport sur les violences sexistes et sexuelles, après une enquête approfondie de trois mois. Dans les 24 propositions qui concluent le rapport, on retrouve notamment la nécessité de former les policiers et gendarmes au recueil de la parole des victimes, évoquée dans par Edouard Philippe dans son discours de clôture.  
A l'époque, cette proposition, comme quasiement toutes celles du rapport, avaient été évacuées par le projet de loi finalement présenté par Marlène Schiappa. "Ça a été demandé et re-demandé, pendant des heures, [Mme Schiappa] n'a jamais voulu le savoir. Je suis satisfaite de voir que, quand c'est son premier ministre qui parle, elle entend", tacle la députée d'Indre-et-Loire. 
 
L'amélioration de l'accueil dans les commissariats est également un cheval de bataille de longue date des associations. En avril 2018, l'association féministe Le Groupe F avait recueilli 500 témoignages de victimes concernant l'accueil qui leur avait été réservé au commissariat. "Dans 91% des cas, les témoignages reçus racontent une mauvaise prise en charge. Parfois catastrophique" note l'organisation. Sur la carte réalisée sur la base de ces témoignages, les commissariats d'Orléans et Tours, en bien mauvaise posture. 
 
Des alertes qui n'avaient pas été prises en compte par les décideurs politiques. "Je suis en colère parce que je considère que nous sommes responsables de ce nombre record de féminicides. C'est nous, c'est Mme Schiappa qui a travers sa médiatisation, qui avons contribué à libérer la parole. En même temps, nous n'avons pas amélioré la capacité de protection de ces femmes qui libèrent leur parole" conclut Sophie Auconie. 

En effet, dans le cas de Salomé, comme dans bien d'autres, les autorités avaient déjà été alertées des violences subies par la victime. Sans agir. 
 

L'avenir du Grenelle passera par les territoires


Lourd dossier à récupérer pour la députée LREM Fabienne Colboc, élue du même département. Justifier le revirement de son gouvernement sur ces mesures autrefois rejetées, elle ne le peut pas. Elle se réjouit cependant qu'on y revienne.

La députée a été nommée référente régionale de ce Grenelle des violences conjugales. Pour elle, une toute nouvelle mission de terrain commence. "Mon rôle est d'impliquer le territoire. Il y a une volonté nationale forte, il faut que ça se décline dans les territoires pour une action concrète. L'idée, c'est qu'il y ait des choses qui ressortent d'ici le 25 novembre, la journée nationale contre les violences conjugales", expose Fabienne Colboc. 

Si le but est de dénicher en régions les initiatives a étendre au niveau national, l'élue a déjà une vision précise de son cheval de bataille personnel : les inégalités géographiques. Elle se rendra prochainement à Tours, dans une récente structure d'accueil hébergée par SOS Médecins. Je voudrais voir quel est le profil des personnes qui s'y rendent. Si une femme habite à Tours, elle peut rejoindre ce centre à pieds. Si elle habite seule au milieu de la campagne, comment elle fait ? Il faut voir quelles sont les possibilités de relais." Une position particulièrement intéressante en Centre-Val de Loire, où 67% du territoire régional est en zone rurale.
 
Elle souhaite aussi porter une attention particulière à l'implication de l'ensemble de la société. "Une femme victime de violences conjugales, on ne sait pas à quel moment elle va se livrer, ni où, ni à qui. Pour moi, l'idéal serait qu'au moment où cette personne parle, celui à qui elle se confie puisse savoir quoi lui dire, et comment l'orienter vers une prise en charge. Je crois beaucoup à la sensibilisation."
 

L'éternelle question financière


Concernant le financement de ses mesures, le gouvernement ne s'est pas encore vraiment mis à la table des comptes. 5 millions ont été annoncés pour assurer la création des 1000 places d'hébergements promises. Marlène Schiappa a également annoncé un fonds spécial d'un million d'euros dédié aux "associations de terrain." 

"C'est une plaisanterie,
a déjà réagi Caroline De Haas, confondatrice du collectif Nous Toutes. C'est chiffré dans le rapport du Haut Conseil à l'égalité - on a besoin de 500 millions". Sophie Auconie, elle, va même plus loin. "Il faudrait être plus proche du milliard que du million. Si on veut, dans chaque commissariat, dans chaque gendarmerie, un agent dédié au recueil de la parole, il faut qu'il soit là 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Il en faut donc 4 ou 5 par commissariat. La plateforme 3919, elle ne fonctionne que de 8h à 18h et pas le weekend. Mais les femmes battues le sont tout le temps."

Le passage surprise du président de la République dans un centre d'appel du 3919 a beaucoup fait parler de lui depuis le Grenelle. En immersion, il avait pu être lui-même témoin du refus de prise en charge d'une femme victime de violences par un gendarme. 
 
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